Vous parlez du « monde magique des oméga-3 ».
Pourquoi cette expression ?
Dr Michel de Lorgeril : Les effets des acides gras oméga-3 sont tellement extraordinaires qu’il y a vraiment quelque chose de magique. Ils font progresser les chercheurs dans tous les domaines de la médecine. A chaque fois que l’on met en place un programme de recherche concernant l’effet de ces acides gras sur une pathologie quelconque ou sur un organe… on trouve quelque chose ! Je ne connais pas d’autres domaines qui donnent autant de résultats positifs. C’est vraiment magique !
Quel effet des oméga-3 vous surprend le plus ?
Il n’y a pas un effet particulier qui me surprend plus qu’un autre. Ce qui est extraordinaire, c‘est de voir à quel point on est déficient en oméga-3, surtout quand on sait que cette déficience est associée à de multiples pathologies ou de multiples anomalies physiologiques. En augmentant la quantité de ces acides gras dans notre alimentation (et donc en corrigeant le déficit), les risques de problèmes cardiaques dans une population donnée diminuent nettement. Et de façon très impressionnante. Cela fait d’ailleurs longtemps que l’on parle des effets bénéfiques des oméga-3 sur ces maladies qui sont, comme vous le savez, un véritable fléau dans nos sociétés, le « serial killer » n°1 ! Dans la lutte contre l’asthme aussi, il y a déjà des résultats impressionnants. Tout un travail de prévention serait également nécessaire chez les enfants….
Qu’est-ce que le rapport oméga-6/oméga-3 ?
Les oméga-6 et les oméga-3 sont des acides gras essentiels (ils ne peuvent être obtenus à partir d’aucun autre acide gras endogène et doivent donc être apportés par l’alimentation) qui se retrouvent en compétition dans l’organisme. Dans la nature sauvage, les oméga-3 sont prépondérants alors que dans le monde agro-industriel moderne, c’est l’inverse : les oméga-6 dominent. Le lin, les noix sont riches en oméga-3 mais le tournesol et le maïs (les oléagineux préférés de l’industrie agroalimentaire) sont riches en oméga-6.
Il faut se rappeler que les oméga-6 sont également indispensables à l’organisme mais pas dans les proportions où ils sont consommés actuellement. Les processus inflammatoires, par exemple, dépendent des dérivés des oméga-6. Plus on est imprégné d’oméga-6 et plus le risque de maladies inflammatoires est élevé. De plus, l’acide arachidonique (le principal oméga-6 cellulaire) est un facteur de croissance. Il favorise de ce fait la croissance des cellules cancéreuses. Les oméga-6 augmentent les inflammations, le cancer… Cela fait beaucoup !
Quel est le rapport idéal dans l’alimentation ?
Actuellement, on a un rapport de 10 à 20 pour 1. On devrait pourtant avoir un 4/1 voire 2/1 (mais pour ce dernier rapport nous n’avons pas encore de preuves scientifiques…) Certains chercheurs parlent même d’un rapport de 1 pour 1 ! Vous voyez qu’il faut drastiquement changer nos habitudes alimentaires pour revenir à des ratios oméga-6/oméga-3 raisonnables, semblables à ceux de nos arrières grand-parents.
Combien d’oméga-3 faut-il consommer pour ressentir des effets bénéfiques sur la santé ?
Je parlerais plutôt d’apports optimaux pour se protéger des maladies… Mais même formulé ainsi, ce chiffre reste difficile à donner car cela dépend de nombreux facteurs. Pour répondre à cette question, le mieux est certainement de s’inspirer des populations qui sont spontanément protégées, comme les méditerranéens ou les Japonais. Approximativement, il faudrait 1 à 3 grammes d’oméga-3 d’origine marine par jour. A l’heure actuelle, aux Etats-Unis, on ne consomme en moyenne que 0,3 à 0.5 grammes de ces acides gras. Il faudrait (selon les experts américains, mais c’est aussi vrai pour nous français) au moins multiplier par quatre nos apports actuels. Et encore ! Il faut noter que les apports « officiels » recommandés par diverses institutions un peu « attardées » sont beaucoup plus faibles que les quantités prises par les populations japonaises…
Pour les oméga-3 d’origine végétale, on parle de 2 à 3 grammes par jour, alors qu’aujourd’hui les Français en consomment en moyenne 0,5 à 0,7 grammes.
Comment concrètement améliorer son statut en oméga-3 ?
En ce qui concerne les huiles, c’est très simple : il faut que tout le monde se mette préférentiellement à l’huile de colza car c’est la mieux équilibrée. Ceci est d’ailleurs la première étape à franchir. Mis à part l’huile d’olive, toutes les autres sont à rejeter ou à consommer de manière exceptionnelle.
De plus, il faut promouvoir la consommation d’œufs de poules nourries (ou dont la nourriture a été enrichie) avec des graines de lin. Deux sociétés ou coopératives au moins (la filière Bleu-Blanc-Cœur et la Société Belovo) se sont lancées dans cette production et c’est très intéressant. Ce sont des aliments naturels, et nous devons d’ailleurs retourner à des pratiques naturelles.
Que conseillez-vous aux femmes enceintes ? Aux diabétiques ?
Pour les diabétiques, les besoins en oméga-3 sont encore plus importants que pour les autres personnes. Ainsi, pour une protection comparable contre les maladies du coeur, ils doivent en prendre plus que les autres. Malheureusement, certains médecins ne le savent pas ou l’oublient. Ils restent obsédés par la glycémie et ne parlent pas d’oméga-3 à leurs patients. On ne sait pas très bien pourquoi il existe cette différence chez les diabétiques mais les raisons seraient peut-être d’ordre hormonal.
Conseillez-vous de prendre des capsules d’oméga-3 ?
Cela dépend vraiment des patients, des familles et d’autres facteurs… Ceux qui se nourrissent bien peuvent se passer de capsules. Certains patients sont capables de se tenir à un régime strict. Pour d’autres, on ne peut pas se risquer à ce genre de pari. Mieux vaut dans ce cas-là prendre des capsules.